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Après 10 ans de vains assauts sur la ville de Troie, Ulysse a recours à l’un des plus gros “coup de pute” de l’histoire. Un grand cheval de bois maquillé en offrande qui lui permettra de pénétrer la cité. En son sein se trouve en fait un bataillon grec qui profitera de la nuit pour vaincre les troupes Troyennes et gagner la bataille en un éclair.
Le cheval de Troie a depuis donné son nom à un type de virus informatique et plus largement à toute manœuvre qui utilise la gratuité ou le don pour parvenir à ses fins. Les startups n’ont pas mis longtemps à s’en servir pour colorer leur marketing. Ulysse, s’il les réclamait, obtiendrait sans problème ses royalties sur :
Le modèle freemium : Au lieu de vous vendre directement le produit, on vous en donne une partie et il faut payer pour avoir le reste. ICloud c’est vachement pratique pour stocker ses photos, tellement pratique que vous en mettez des tonnes, et puis quand ça dépasse 5go, boum 0,99€ puis 2,99€ puis 9,99€.
Le marketing de contenu : Au lieu d’harceler vos clients avec des pubs, vous les divertissez/instruisez et espérez qu’ils vous le rendent un jour avec un achat. “Je viens de trouver un compte Instagram de recette de cuisine c’est gé-nial. Tiens, ils sortent un e-book 47 desserts pour impressionner vos potes bobos, allez ça coûte que 19,99€ …”
La seule différence est qu’à l’intérieur du cheval de troie marketing, il n’y a pas un soldat qui veut vous tuer, mais un produit censé vous apporter de la valeur. Vous n’auriez peut-être pas acheté ce livre de recette si un inconnu vous l’avait proposé dans la rue, mais après 2h de vidéos YouTube, vous mettez volontiers la main à la poche.
Ces 2 procédés marketing sont désormais bien connus des growth marketeurs. Si bien qu’ils sont devenus une attente des consommateurs. Avoir un modèle freemium ne suffit pas pour qu’on daigne vous accorder quelques secondes d’attention. Quand les 200 apps fitness de l’app store ont toutes une version gratuite, vous choisissez laquelle ?
C’est ici qu’interviennent les stratégies de contenu : vous choisissez celle que vous avez vue le plus de fois sur Instagram. Problème, sur ces 200 apps de fitness, 99% ont un compte insta, mais aussi un compte tiktok, une chaîne youtube etc. On rajoute leurs budgets pubs de centaines de milliers d’euros par mois et vous pouvez oublier toutes vos chances d’exister. Faire du contenu en ligne ça ne suffit pas.
Ok, et si c’est ni l’un ni l’autre on fait quoi ?
Et bien on reste dans le marketing de contenu mais on remonte encore d’un niveau en partant à la recherche du meilleur excipient
Excipient (n.m) : Substance associée au principe actif d'un médicament et dont la fonction est de faciliter l'administration, la conservation et le transport de ce principe actif jusqu'à son site d'absorption.
En gros, c’est le petit goût sucré de l’advil ou la saveur fraise dans le dentifrice des enfants. Ça n’apporte rien à l’efficacité du produit, mais ça le rend plus agréable à consommer.
Vous vendez un logiciel qui augmente la productivité des vendeurs de 20% ? Tout le monde s’en fout. Par contre si vous produisez un jeu télévisé qui élit le meilleur vendeur de France, dont il se trouve que le gagnant utilise votre solution, c’est bingo.
Je ne vous parle pas de sponsoring. Ici il s’agit d’une d’intégration organique de votre produit dans un format à haute valeur ajoutée pour le consommateur. Le contenu ne se consomme pas sans avoir compris les bénéfices de votre solution.
Excipient, cheval de troie, même combat. Le principe est de trouver la meilleure façon d’intégrer votre proposition de valeur à un format qui intéresse déjà vos prospects. Ça va plus loin que 3 petits posts Instagram sur comment avoir des abdos.
Voici un exemple hors de la sphère startups pour mieux comprendre.
Vendre un album avec Youtube : High et Fines Herbes
Le milieu musical, et particulièrement rap, est le théâtre d’une compétition sans merci. Il y a de plus en plus d’artistes, de plus en plus créatifs dans leur promotion d’albums. Un paysage concurrentiel assez proche de l’univers startup (et particulièrement dans la sous-catégorie e-commerce, beaucoup de produits qui sont tous marketés de la même manière).
Pour se démarquer de leurs pairs et faire la pub de leur album High et Fines Herbes, Caballero et JeanJass, duo de rappeur belges ont décidé de jouer la carte du divertissement. Au lieu de faire tour des medias pour donner des interviews, comme tous leurs concurrents, ils ont dépensé leur budget marketing dans la production d’une série Youtube autour de leur passion : la weed (qui est accessoirement le thème de leur album).
Cette série de 5 épisodes reprend les codes des jeux télé en faisant s’affronter un panel de jeunes rappeurs dans des épreuves farfelues saupoudrés de THC. Nos 2 stars belges en sont animateurs et chargées de remettre la récompense de “poumon d’or” au candidat ayant accumulé le plus de points.
Chaque épisode est visionné près d’1 million de fois. Dans la bande son, on retrouve évidemment des inédits issus de l’album qui sortira en même temps que le dernier épisode de la série. On se doute qu’en ayant renouvelé l’opération 4 années de suite , c’est que son résultat a dû plaire à la maison de disque.
Le coup de génie a été de renverser la dynamique promotionnelle. Au lieu de dépenser leur budget pour pousser de la pub sous les yeux des auditeurs/prospects, ils l’ont investi dans un format qui les fera directement venir à eux.
Ils en tirent une myriade d’avantages :
Inbound : Un lead entrant est beaucoup plus enclin à convertir, surtout quand il a maté 5 épisodes d’une heure.
Brand love : En se mettant en scène dans une série, le duo a fait exploser son capital sympathie.
Impressions gratuites : Les réseaux sociaux ont construit leurs algorithmes pour identifier et rendre viraux les meilleurs contenus. En investissant dans le format ils ont laissé Youtube faire la promo de l’album.
Ce dernier point est le plus important pour comprendre l’utilité d’un cheval de Troie.
Avec un budget marketing de 100k€, un marketeur de l’ancien monde aurait dépensé :
20k€ dans sa créa (affiche, shooting photo pour la pochette d’album etc)
80k€ pour la diffuser (diffusion tv, affichage cul de bus, presse, radio etc)
Ce qu’il n’a pas compris, c’est qu’un algorithme de diffusion de contenu peut faire le travail de diffusion à sa place, à une seule condition : lui donner un contenu créatif de qualité. Ce qui est très dur quand seulement 20% du budget y est alloué.
À l’inverse, un marketeur vivant dans son temps fait une attribution différente du même budget :
80k€ dans la créa (Tournage d’une série Youtube, créations de tiktok viraux avec des célébrités raps, organisation d’un événement surprise pour les fans etc)
20k€ dans la diffusion (quelques affiches métro pour faire crédible, un petit budget amplification Youtube etc)
À budget égal, la formule n°2 laisse un souvenir inoubliable dans le cœur des fans et donc un allègement beaucoup plus conséquent du poids de leur porte-monnaie.
Et mercé l’algo
L’argent que vous donnez à Facebook, TF1 ou Skyrock pour qu’ils diffusent vos publcités est le montant des impressions que vous n’avez pas réussi à générer en organique. C’est le tarif à partir duquel le média accepte de déranger son audience pour votre message d’entreprise. Pour un spectateur, voir une pub est le prix à payer pour voir le contenu qu’il aime.
L’innovation du cheval de Troie, c’est qu’il fusionne les deux : le contenu que vous aimez contient la pub. C’est un type de format très périlleux à réaliser, il doit être assez divertissant pour être consommé et assez publicitaire pour profiter à la marque qui le produit.
Ce genre de pratique est rendue possible par le fait qu’en 2023, tous les fils d’actualité des réseaux sociaux sont devenus algorithmiques : on ne voit plus le contenu de nos amis / abonnements, mais celui que l’algo juge pertinent pour nous. Quand on en comprend les mécanismes, on peut faire apparaître un contenu sous les yeux de son audience cible, sans passer par la case onéreuse de la régie pub.
Sur internet, un bon contenu se diffuse tout seul
Ce qu’aucun annonceur n’a compris, c’est que les algorithmes des réseaux ont transformé les coûts de diffusion en coût de création. Au lieu de faire un contenu médiocre et de dépenser des fortunes pour le diffuser, mieux vaut désormais dépenser des fortunes dans un contenu excellent et laisser l’algorithme faire la diffusion.
J’ai 2 hypothèses qui expliquent la réticence des marques à transformer leur budget market en budget créa :
Aléatoire : Un bon contenu est une condition nécessaire mais non suffisante pour partir viral. On ne sait jamais si un format va être attrapé par l’algo. Au moins quand on paye une régie, on est sûrs de toucher notre cible. Je ne me fatiguerai pas à expliquer l’espérance et la variance à ces personnes-là (il vaut mieux 10% de chance de faire 1 million de vues que 90% de chances d’en faire 100k).
L’âge d’or est terminé : “Les algos ne poussent plus le contenu en organique”. C’est vrai et faux à la fois. Quelle que soit la plateforme, les algos ne poussent plus que les meilleurs contenus. Mais c’est un point sur lequel vous aurez toujours un edge en tant qu’entreprise. Cet avantage comparatif c’est votre budget marketing. Le bon contenu ça s’achète. Les plus gros créateurs de contenu sur Youtube dépensent au maaaaaax 20-30k€ pour une vidéo, et encore, c’est uniquement pour les grandes occasions et pour les vidéos à gros potentiel. De vôtre côté, si vous bossez dans une boîte qui fait + de 10 millions de CA, cette enveloppe-là c’est au pire 3% de votre budget marketing annuel. Pour laquelle vous pouvez vous offrir la qualité des meilleurs Youtubeurs.
Le marketing par l’excipient est un océan bleu qui est né avec l’avenement des algos. Il permet de rafler des impressions pas chères et faire simultanément du ROI et du branding, en rentrant en même temps de le coeur des gens et leur portefeuille.
Maintenant essayon d’en construire un ensemble.
Trouver son cheval de Troie
Tu as beau ne pas être un entertainer, vendre un produit plus compliqué qu’une écoute d’album et être nul en rap, tu peux quand même trouver ton High et Fines Herbes.
Il y a des leaders absolus sur toutes les verticales (Nike sur le sport, Redbull sur l’energy drink etc), mais il n’y a pas encore de n°1 sur chaque plateforme digitale. Quand, en tant que marque, vous trustez une catégorie (fitness, compléments alimentaires, mode etc) en ayant le format le plus vu par les fans, vous profitez de l’effet winner takes all. En gros, n’importe quelle tentative de copie d’un concurrent sera qualifiée de vol : “ah elle fait du Léna Situations”, “mais c’est du Squeezie ça”.
La première étape c’est donc de trouver un marché assez gros pour toucher beaucoup de prospects et assez petit pour qu’un seul TRÈS bon contenu vous permette de prendre la place de n°1.
Here comes Pimp My Brand
Ca c’est le nôtre de Cheval de Troie, un Pimp My Ride version e-commerce.
On l’a construit autour de 3 piliers.
La niche
On a choisi d’attaquer Youtube car j’y étais déjà présent avec 40k abonnés ce qui me donne un petite longueur d’avance puisque mes fans les plus engagés seront la première caisse de résonance du contenu.
Côté business, les prospects de Coudac sont les marques e-commerce et startups B2C. Sur ce point là, on a de la chance car c’est un segment sous adressé sur Youtube. Aujourd’hui, il est trusté par des gurus du dropshipping et tout le contenu Make Money, mais depuis la fin de The Family, il n’y a pas grand chose sur les startups.
Bingo
Le budget
On a choisi d’en faire un point de différenciation et je vous le recommande aussi, je vous rappelle que c’est votre edge vs la masse sur Youtube (au pays des aveugles les borgnes sont rois).
Il existe une version 500€ de Pimp My Brand où je fais venir les experts dans mon salon, ils parlent 30 min avec Sova, font des recos et c’est réglé. Mais ça ne remplit pas mon objectif de frapper fort. Il fallait qu’on créé un effet barrière à l’entrée pour transmettre au spectateur que Coudac n’est pas n’importe qui, on a du budget et on veut que tu le vois.
On a sortie la grosse équipe de tournage, on est allé chercher le réalisateur de High et Fines Herbes et on a laissé la magie opérer. Ca nous a coûté 15k€ (hors montage, fait en interne).
Le concept
Il faut créer un show Must Watch. En gros, une vidéo que tu te sens mal de pas avoir regardé avec tes collègues à la machine à café le lundi. L’équivalent de la coupe du monde pour les fans de foot. On veut toucher 100% des gens qui bossent dans l’e-commerce et matent des vidéos Youtube.
Pour faire un bon cheval de Troie il faut réussir à produire à la fois un truc “jamais vu avant” et qui vous permet de montrer la qualité de votre expertise (pour Coudac la pertinence des nos recos). Pour ça, pas besoin d’être créatif, tirez votre inspiration de 2 sources :
Les formats TV : ça fait des années que des boîtes de prod payées des millions réfléchissent à ce qui va divertir les utilisateurs. A la volée : Cauchemar en cuisine, D&CO, Fort Boyard, Koh Lanta etc
Les contenus digitaux aux US : Encore une fois, outre atlantique les contenus ont des années d’avance. A la volée again : Mr Beast, juste lui.
Nous ça a été Pimp My Ride, ça nous permettait de laisser la chance aux coachs de démontrer leurs expertises.
On a choisi de rendre PMB non accessibles aux “noobs” pour toucher une audience très quali (on ne redéfinit pas les notions de base, on part du princip que les gens connaissent les softwares dont on parle etc).
Résultat : 20k vues.
Evidemment le format est perfectible (trop long, marque trop jeune pas à l’image de nos prospects, pas assez de visbilité sur les réusltats des recos etc), mais il nous place au moins comme acteur de référence sur l’ecom. L’épisode 2 enfoncera le clou.
On retiendra simplement qu’on a fait mater un spot publicitaire à 20k marketeurs.
Conclusion
Avant d’investir dans une startup, les VC se demandent “Why Now ?”. En gros, quel phénomène de marché récent rend ton innovation pertinente. Google est né avec l’augmentation du volume de recherche, Facebook a surfé sur le trafic mobile etc.
Pour les chevaux de Troie marketing, c’est l’arrivée algos de recommandations hyper puissants et des feeds 100% algorithmiques. Il y a désormais autant de places de leader à prendre qu’il y a de plateformes et de niches/sous-niches.
Duolingo, app d’apprentissage des langues en ligne, était à deux doigts de pondre la masterclass de l’année avec le format “Love Language”. Une TV réalité dans laquelle des inconnus cherchent l’amour, mais aucun ne parle la même langue.
Ils n’y ont vu qu’un très bon poisson d’avril, j’en aurais fait un Ulysse fièrement caché dans sa structure de bois.
“Heureux qui comme Ulysse, a fait un beau voyage” Du Bellay
Avec un peu de retard je découvre ce post après avoir été attiré ici par le podcast RTTM et c'est une masterclass d'explication claire tout en étant relativement concise. Digne d'un gros chapitre d'ebook payant mais fourni gratuitement merci à toi 👍