J'ai un challenge mental qui me travaille depuis pas mal de temps et que j'ai envie de partager avec vous aujourd'hui.
Pourquoi est-ce qu'il y a des phases dans une aventure entrepreneuriale où tu as l'impression de marcher sur l'eau et d'autres où tu as littéralement l'impression qu'un singe ferait un meilleur travail que toi ?
Cette question me tient particulièrement à cœur parce qu'après 5 ans d'entrepreneuriat à la tête d'un groupe qui emploie environ 70 personnes, je suis confronté quotidiennement à ces variations d'état mental.
L'intuition que j'avais tort
C'est assez rare que l'état mental d'un entrepreneur soit à la polarité totalement inverse de l'état de santé de sa boîte. Il y a forcément un lien entre les deux.
Et souvent, on admet que le lien est dans ce sens : quand ta boîte va bien → l'entrepreneur est heureux.
J'avais l'intuition que ce truc-là n'était pas totalement exact.
Spinoza, Shawn Achor et la relation inversée
Suite à quelques lectures - Spinoza que je découvre tout juste (mais où il y a déjà des bangers) et "The Happiness Advantage" de Shawn Achor - j'ai découvert un concept commun aux deux : la relation semble plutôt être dans l'autre sens.
Ce sont les gens heureux qui tendent à avoir du succès.
C'est très aligné avec la pensée que j'essaie de diffuser : mettre l'entrepreneur au centre de la performance. À partir du moment où tu es bien avec toi-même, les challenges s'occupent d'eux-mêmes. Ou du moins, c'est beaucoup plus facile de les traiter.
Première raison : il ne suffit pas de connaître pour faire
Le contre-argument principal à "être heureux = une boîte qui grossit", c'est le mec qui te dit : "Mais on s'en fout d'être heureux, ce qui compte c'est juste de faire les trucs qui font grossir ta boîte."
Sauf que malheureusement, il ne suffit pas de savoir quoi faire ou comment le faire pour le faire. Sinon aucun médecin ne fumerait et personne n'irait au McDo.
"Je vois le meilleur et je l'approuve, et c'est au mal que je me laisse entraîner." - Ovide
N'importe qui qui a essayé de monter une boîte se rend compte que c'est pas juste une affaire de faire l'action A qui produit le résultat B. Il y a tous les trucs entre les deux qui t'empêchent de faire cette action extrêmement simple.
Le détour monumental de la peur
On passe plus de temps à chercher quoi faire qu'à trouver un moyen de le faire. Les trucs que tu es censé faire pour faire grossir ta boîte, c'est souvent évident. Ce qui est compliqué, c'est de comprendre pourquoi tu n'arrives pas à les faire.
Comme tu n'arrives pas à les faire, tu cherches un détour. C'est là que commence la catastrophe. Le fameux "J'ai pas envie de faire de prospection parce que j'ai peur de décrocher mon téléphone" qui t'invite à faire un détour monumental : "Je vais créer une communauté" (ça prend 2 ans de plus) plutôt que juste appeler 10 gars.
Le chemin le plus rapide entre deux points, c'est la ligne droite. Tout le défi, c'est de trouver pourquoi toi, tu n'empruntes pas cette ligne droite.
Mon expérience d'accompagnement
Une partie de mon travail, c'est d'accompagner des fondateurs d'agence. Dans ces accompagnements, c'est rarement moi qui arrive en mode "Fais ça". Parfois je me demande même si j'en fais assez.
Mais en fait, mon but c'est plutôt de piocher parmi les trucs que tu penses déjà que tu dois faire et t'aider à assumer le truc que tu pensais déjà que tu devais faire. Au lieu de parler des trucs à faire, je pratique l'inspection de la façon de penser des gens.
Le déterminisme de Spinoza
Spinoza dit qu'on n'est pas maître de nos actions. "Les hommes se croient libres parce qu'ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes qui les déterminent."
Quand tu décides d'aller courir, tu as l'impression d'avoir pris cette décision consciemment. Mais tu n'as aucune idée de ton état hormonal, des images qui sont passées dans ta tête quelques secondes avant, de comment ton environnement a joué sur ta décision...
"La conscience de l'action n'est pas la connaissance de ses causes."
Un petit enfant croit désirer librement le lait. Un garçon en colère croit vouloir la vengeance par un libre décret de l'âme. Un peureux croit vouloir fuir par une décision libre.
Servitude vs Liberté
Spinoza distingue :
La servitude : quand tu es dépendant de tes passions
La liberté : quand tu agis avec raison en comprenant les causes de tes déterminismes
L'homme libre au sens spinoziste, c'est celui qui comprend ses désirs, les enchaînements naturels qui amènent à ses actions, et qui est capable d'agir dans ce cadre-là. Pas contre la nature, mais avec elle.
Dans notre contexte entrepreneurial, le but est simple : comprendre toutes les causes qui font que tu es plus enclin à prendre des décisions qui vont faire grossir ta boîte.
The Happiness Advantage
Shawn Achor explique (de façon moderne, un peu à l'américaine) que ce qui détermine le succès, c'est le bonheur.
Attention : ce n'est PAS une invitation hippie du type "il faut pas trop bosser, détends-toi". On a pris le présupposé que vous êtes là pour faire un truc qui défonce. Et pour faire un truc qui défonce, il faut travailler.
Il faut absolument éviter de lire la notion de bonheur comme quelque chose à l'opposé du travail. Très fréquemment (c'est mon cas), l'étude des causes qui déterminent votre bonheur amène à la conclusion que travailler, ça vous fait kiffer. Mais d'une certaine façon, sur certains sujets, pendant une certaine durée...
Le cerveau positif
Achor parle du "cerveau positif". Un cerveau positif :
Résout les problèmes plus rapidement
Est plus ouvert à l'apprentissage
Prend de meilleures décisions
Est plus sociable et coopératif
Je vous confirme que c'est très compliqué d'emmener votre boîte vers le succès quand c'est la tempête dans votre tête.
Les 3 leviers pratiques
1. Le levier et le point d'appui
Ce n'est pas la réalité en soi qui détermine notre réussite, mais la manière dont on interprète cette réalité.
Une étude à Harvard : des chercheurs disent à des femmes de ménage que leur travail équivaut à une activité physique structurée. Sans changement d'habitude, après 4 semaines : perte de poids, tension artérielle réduite, meilleure composition corporelle.
L'importance des lunettes que tu mets pour interpréter le réel. Notamment : ton rapport à la difficulté. Apprendre à voir la difficulté comme une opportunité de progresser, pas comme un truc qui montre que tu es l'imposteur qu'au fond de toi tu pensais être.
C'est la notion de croyance utile : choisir ses croyances non pas selon ce qui semble le plus vrai, mais selon ce qui semble le plus utile.
Exemple : Kanye West qu'on lui demande s'il pourrait devenir président. Il répond : "Oui absolument, parce que je suis capable de tout." C'est pas vrai, mais qu'est-ce que ça produit comme résultat ? Ça lui fait faire des trucs de ouf.
2. L'effet Tetris
Avec notre capacité d'attention limitée, ton cerveau filtre l'information selon le filtre que tu lui donnes. Ce filtre, c'est les choses auxquelles tu es habitué à prêter attention.
Si tu passes ton temps à détecter les trucs que tu fais mal, tu crées ton propre malheur.
Le bonheur, c'est un entraînement. La puissance d'agir de Spinoza : plus vous êtes actif, plus vous êtes puissant. Plus vous êtes passif, plus vous subissez les causes extérieures, plus vous êtes triste et vulnérable.
3. Investir dans ses relations sociales
C'est un facteur souvent négligé par les entrepreneurs. Moi le premier. J'ai énormément bossé les premières années. Je n'ai pas développé beaucoup de nouvelles relations sociales (hors sphère pro).
Ça peut créer un environnement d'isolement. La différence entre solitude et isolement : la solitude, c'est être seul pour construire des choses que tu vas confronter au monde. L'isolement, c'est être seul pour être seul.
Les relations humaines, c'est le facteur n°1 du bonheur. Ça absorbe le stress. Quand tu vas boire avec des potes après une journée de merde, pendant 2h tu oublies. Tu redescends. Ça donne de la perspective.
Il n'y a rien de pire que d'avoir une bonne nouvelle et de ne pouvoir en parler à personne qui comprend ou célèbre avec vous. C'est l'un des principaux inconvénients de ne pas avoir d'associé.
Récapitulatif des idées clés
Il est extrêmement important d'être heureux dans le but d'être performant
Pourquoi ? Parce qu'il ne suffit pas de savoir ce qu'il faut faire pour le faire
On ne fait pas les bonnes choses parce qu'on est déterminé par plein de choses qu'on ne comprend pas
Quand on fait l'étude de ce qui détermine le succès, on tombe souvent sur le bonheur
Allez lire "The Happiness Advantage". Et ces trois astuces pour maximiser votre bonheur : changer votre perception, programmer votre attention, investir dans vos relations.
— Théo
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Toujours génial, merci Théo